Cette étude traite de la méthode de pédagogie issue du Cours d’études pour l’instruction du prince de Parme （1775） de Condillac.

　Nous traçons d’abord l’esquisse des institutions d’enseignement en France à l’âge classique, ainsi que des méthodes et des contenus qu’elles mettent en oeuvre. Nous dégageons ensuite le germe de la théorie pédagogique dans l’Essai sur l’origine des connaissances humaines （1746）, premier ouvrage philosophique du sensualiste. Nous en venons enfin aux modalités de l’éducation dispensée dans le Cours, en interrogeant notamment la méthode dite d’« observation », compte tenu du profil des enseignants sollicités.

　Notre réflexion met en lumière l’accent qui est porté sur la formation des apprenants à l’autonomie dans l’acquisition des connaissances, en rupture avec la pédagogie traditionnelle de la transmission du savoir à l’âge classique. L’apport de Condillac à la pédagogie a été de faire de « l’observation » le moyen cardinal, pour l’enfant, d’assimiler par lui-même les principes et les lois.

　Dans les recherches sur Marivaux, une question demeure en apparence insoluble : sa vision de l’homme donne-t-elle la primauté à la raison ou au sentiment ? L’aporie à laquelle mène cette question provient de la difficulté de définir le « rationnel » et l’« affectif » chez Marivaux. Une piste de solution nous semble pouvoir être esquissée par la différence entre la « raison » et l’« esprit », deux mots souvent confondus, mais que l’oeuvre de Marivaux fait jouer sur des registres distincts. En référence à une anecdote rapportée dans Le Cabinet du philosophe, on peut d’abord poser que la raison est une valeur universelle, tandis que l’esprit est sujet à des variations circonstancielles. Cette distinction sera affinée par les portraits des deux dames dans La Vie de Marianne : les amples réflexions sur l’esprit des femmes, qui étoffent ces textes, permettent d’établir que la raison est le moyen idéal de combiner l’esprit et le coeur ; pour s’identifier à la raison, l’esprit doit se défaire de l’amour-propre ; selon le degré d’amour-propre qu’il comporte, l’esprit s’éloigne plus ou moins de la raison.

　Peintre de la banlieue mélancolique et des chiffonniers « découvert » par Huysmans en 1879, Jean-François Raffaëlli est le maître d’oeuvre d’un album collectif publié en 1889, Les Types de Paris, où ses illustrations accompagnent les textes de vingt-deux grands écrivains contemporains, pour la plupart naturalistes ou membres du Grenier d’Edmond de Goncourt. Malgré sa prédilection pour le motif du paysage suburbain, Huysmans y porte son regard sur « Les Habitués de café ». Ce choix inattendu coïncide en fait avec l’intention de Raffaëlli d’abandonner l’étiquette de peintre des miséreux pour se transformer en peintre « caractériste », abordant des types plus généraux. Par ce néologisme, qu’il met en circulation à l’occasion de sa première exposition personnelle en 1884, Raffaëlli cherche à se distinguer non seulement des peintres impressionnistes, mais aussi des disciples de Zola. Or le buveur d’absinthe, thème emblématique de sa nouvelle manière, demeure inscrit dans le cadre naturaliste, comme le montrent L’Assommoir de Zola et L’Absinthe de Degas. La collaboration de Raffaëlli et de Huysmans est donc prise entre le désir d’indépendance qui anime le peintre et l’étiquette naturaliste que l’écrivain veut lui assigner.

　Dans les oeuvres de Proust, on remarque la présence d’un grand nombre d’animaux humbles : têtards, libellules, colimaçons, poissons divers, abeilles, protozoaires, etc. qui relèvent de l’infra-animalité, selon la terminologie d’Anne Simon. L’intérêt pour les animaux, notamment dans les études philosophiques, est important de nos jours, et des recherches sur les animaux chez Proust ont déjà été menées. Raymonde Coudert a abordé différents aspects du sujet. Anne Simon a lancé un projet sur les animaux en littérature qui a donné lieu à beaucoup d’articles. Pauline Moret-Jankus a traité ce sujet sous l’angle de la biologie. Nous allons remarquer que les animaux humbles sont influencés non seulement par l’intérêt de l’histoire naturel de son époque mais aussi par la littérature. Nous allons étudier par exemple l’humble mouche et la chenille dans les Plaisirs et les jours et Jean Santeuil. « Humble » vient du latin humilis, qui signifie « bas, près du sol, peu élevé ». Dans le texte, une simple chenille est présentée comme « augure certain de la présence du dieu Eté ». Dans ses lettres, Proust a employé la métaphore d’animaux humbles （ver de terre, ver à soie, araignée ou guêpe fouisseuse） pour se représenter lui-même et pour représenter son idéal comme écrivain. Dans La Recherche, les animaux humbles sont encore davantage présents. Ils sont utilisés comme un moyen d’exprimer des pensées profondes et de se retrouver soi-même. Après l’obtention du prix Goncourt, Proust cite plusieurs fois le vers de La Fontaine : « L’autre exemple est tiré d’animaux plus petits. »

　Le ballet Le Jeune homme et la mort, composé par Jean Cocteau en 1946, relate le suicide d’un jeune homme, sans en dévoiler la cause. Ce mimodrame s’écarte de la tradition occidentale qui repose sur l’unité rationnelle de l’intrigue théâtrale, liant son début à son milieu et à sa fin. Nous abordons ce drame sous l’angle poétique décrit dans La Difficulté d’être （1947）, qui contient un essai sur Le Jeune homme et la mort. La conclusion à laquelle aboutit notre réflexion est que l’occultation de son mobile répond à l’intention de faire du suicide, non pas un acte de « lucidité » susceptible d’être expliqué rationnellement, mais un acte de « folie » déraisonnablement désiré. De plus, Cocteau ne dépeint pas cette folie à travers des mots, mais à travers la chorégraphie de Roland Petit, et expérimente ainsi une nouvelle écriture : une écriture corporelle qui n’est pas destinée à représenter la folie de la jeunesse, mais à éveiller des instincts de folie. C’est la réponse de Cocteau à l’exploration de l’inconscient qui a eu lieu dans la littérature novatrice du XX^e siècle.

　Conçue comme une négativité infinie et absolue, l’ironie déclenche une déstructuration sémantique et diégétique. Dans En attendant Godot de Beckett， la fonction de chaque discours et de chaque action est systématiquement réduite à une méta-action négative, par quoi on peut définir la notion d’attente. Cette perturbation qui détraque les discours et les actions opère à tous les niveaux de la pièce．C’est la méthode de（dé）construction fondamentale chez Beckett，qui consiste à injecter en permanence de l’ironie pour subvertir l’ordre des choses． La même démarche ironique avait été adoptée par les préromantiques pour surmonter une difficulté soulevée par la philosophie idéaliste，à savoir la division entre les phénomènes et les choses en soi．Marqué par l’influence profonde de la pensée de Schopenhauer，Beckett se place dans le sillage idéaliste des préromantiques，et leur emprunte leur méthode d’évocation de l’inexprimable par le recours à l’ironie．