2022 年 120 巻 p. 35-50
Les sociotopes du couvent et du pensionnat chez Zola
les lieux de formation dans Madeleine Férat
Takanobu ADACHI
Le couvent s’oppose-t-il axiologiquement à la vie mondaine ? N’est-il pas la véritable cause de la corruption des filles ? La représentation de ce lieu peut servir de pierre de touche au réalisme et au romantisme de Zola. Certes, les héroïnes de ses deux premiers romans – Jeanne, dans Le Voeu d’une morte (1866), et Madeleine, dans Madeleine Férat (1868) – se corrompent dès leur sortie du couvent ou du pensionnat, mais la vision de l’écrivain présente une évolution radicale durant ces deux années.
Nous entreprenons d’abord de situer la critique du pensionnat (religieux ou laïque) dans le contexte historique de l’éducation des femmes. Trois oppositions sont saillantes : l’enseignement religieux et privé contre son pendant laïque et public ; le pensionnat contre l’éducation familiale ; l’éducation contre l’instruction. À cette époque-là, Zola ne montre pas un intérêt majeur pour le premier point. Sur le deuxième, il affiche une vision conservatrice qui affirme le primat de la mère dans la formation des filles. Dans Le Voeu d’une morte, il critique le couvent à cause de la dure séparation d’avec leur mère qu’il inflige à ses pensionnaires. À partir de Madeleine Férat, il s’en prend surtout à l’éducation bourgeoise du pensionnat, qui produit d’adorables poupées, et il insiste sur l’importance d’instruire les filles à la réalité du monde.
Le chronotope du Voeu d’une morte reste celui des romans idéalistes que Zola critiquera dix ans plus tard : depuis le couvent se déroule une descente jusqu’aux salons parisiens ; puis la campagne idyllique est le lieu d’une renaissance, suivie d’une redescente vers Paris. Dans Madeleine Férat, cette dichotomie simpliste (Paris corrupteur, la campagne purgative) est remise en cause, et chaque déplacement revêt un double sens : le pensionnat de la petite banlieue bourgeoise n’est plus un milieu pur, mais prépare la dégradation future de l’héroïne ; la corruption qu’elle subit à Paris, où elle se met en concubinage, signifie aussi son évasion de ses « prisons » ; sa renaissance en grande banlieue ne lui rend pas sa virginité, mais son esprit d’indépendance.