Etudes de langue et litterature francaises
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Etudes en japonais
Marcel Schwob, un ecrivain juif de la fin de siecle : autour de La Croisade des enfants
Shigechika SUZUKI
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2007 Volume 90 Pages 168-181

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Abstract

L'histoire de la litterature francaise considere le plus souvent Marcel Schwob (1867-1905), ecrivain d'une grande puissance d'imagination, comme l'un des conteurs de grand talent de la fin du XIX^e siecle. La plupart des etudes consacrees a cet ecrivain ne traitent en effet que de ses contes. Il y a tres peu d'6tudes consacrees a une particularite pourtant interessante de Schwob : la double appartenance de Schwob, juive et francaise. Certes, on chercherait en vain le mot ≪juif≫ dans les textes d'un auteur par ailleurs tres discret sur sa judeite. Mais il ne nous semble pas que l'on puisse dire qu'il n'y a pas de rapport entre les motifs de l'ecriture schwobienne et la double identite de l'auteur lui-meme. L'epoque dans laquelle it vit est en effet difficile pour les juifs. Et surtout, on ne peut negliger le mouvement d'antisemitisme de la fin du XIX^e siecle. Durant les annees qui precedent l'affaire Dreyfus, nombre d'elements se conjuguent, qui suscitent une violente poussee d'antisemitisme. Que signifie pour Schwob, et son ecriture, le fait d'etre juif ? Nous nous proposons, dans le present article, de mettre en lumiere, a la lecture de La Croisade des enfants (1896), une dimension cachee de Schwob, ecrivain juif. Pour decrire un evenement qui a profondement marque l'histoire du Moyen Age, le conteur a choisi de soumettre au lecteur, juxtaposes, les recits de huit personnes. Bien qu'elle puisse etre consideree, par son theme meme, comme ≪tres chretienne≫, l'oeuvre contient de nombreux elements heterodoxes ou meme juifs, et remet en question, insidieusement, le bien-fond6 de l'obeissance absolue a la hisrarchie ecclesiastique. C'est en fait un texte qui, tout en traitant le theme chretien de la Croisade, prend ses distances, sur le fond, avec l'historiographie chretienne. Ce que tous les recits mettent en relief, c'est d'abord et avant tout, l'innocence des enfants, victimes d'un enthousiasme religieux devoye. Confronts a l'antisemitisme de son siecle, Schwob ne prend pas le parti de decrire le vecu des juifs ou de proclamer sa judeite. Mais sa discretion nest pas le resultat d'une acceptation passive de ce qui est. Elle est le produit d'une strategie qui vise, indirectement, a susciter le doute et la msfiance a l'egard de l'enthousiasme de la fin de siecle.

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