Dans la pensée henrienne de l’ipséité de soi se trouve le concept spécifique de temps. Selon Henry, tous les repères biographiques, tels lieu, date de naissance et relations au père, ne permettent pas de saisir la réalité du moi. Il affirme que le moi « n’est pas du monde ni par conséquent un être naturel, il n’est pas le fils de son père ». Son « père » est la Vie, et il est né dans la Vie. Chaque moment qu’il s’éprouve dans la Vie, le moi prend naissance dans cette épreuve de soi. Dans la mesure où la relation du moi à la Vie qui l’engendre trouve sa vérité dans le « s’éprouver dans la Vie », la réalité du moi vivant consiste dans le présent vivant de cette épreuve de soi. « Nous vivons, écrit-il, dans un éternel présent que nous ne quittons jamais ». Or, il est remarquable que cette subversion du concept habituel de naissance s’accompagne des critiques de la psychanalyse. Henry critique souvent le concept freudien de l’inconscient, du complexe d’Œdipe, lorsqu’il mentionne son concept de naissance, l’expérience temporelle de soi. Il nous est ainsi possible d’interpréter le concept henrien de naissance et de temps à partir de sa critique de la psychanalyse, et non seulement à partir de ses travaux sur le christianisme : La Généalogie de la psychanalyse peut être interprétée pour comprendre le concept henrien de temps. La confrontation de Henry à la psychanalyse ne nous permettra pas simplement d’approfondir le problème de la temporalité dans la pensée henrienne de la naissance, mais aussi d’interpréter le problème du temps et celui de la naissance dans les façons dont Freud et Lacan analysent la relation du moi à son inconscient.