Abstract
Comment peut-on donner un sens positif au concept de ≪responsabilite infinie≫ sans se livrer au fanatisme religieux? Nous pensons que ce concept implique necessairement un sens ≪religieux≫ depassant l'≪ethique≫ au sens etymologique du terme, mais il faut recourir a la logique strictement philosophique pour demontrer que ce sens permet de se defendre du fondamentalisme exalte. C'est precisement la pensee d'Emmanuel Levinas qui nous procure cette logique sans mystification. Notre essai porte sur deux points. Examinant d'abord la divergence de vues sur l'ethique entre Kierkegaard et Levinas, nous constatons avec ce dernier que, paradoxalement, la foi en Dieu exige la responsabilite pour autrui plutot que pour Dieu. Ensuite, nous tentons d'analyser, sinon de resoudre, l'aporie de la responsabilite a partir du champ de ce que Levinas appelle la ≪justice≫ dans Autrement qu'etre ou au-dela de l'essence. Avec Jacques Derrida, on y trouvera aisement la structure a priori de l'irresponsabilite ou l'impossiblite d'accomplir d'emblee ses devoirs envers tous. Cependant, cette structure inevitable ne nous fait pas sombrer dans tel ou tel pessimisme, mais, au contraire, elle rend possible a la fois le retour a l'infini de la responsabilite et la rehabilitation de l'idee de ≪mauvaise conscience≫.