Les formes disjointes du pronom personnel, utilisées en tête d'énoncé sont normalement expliquées en recourant à la notion de contraste ou d'emphase. Nortre étude se propose de réviser ce phénomène du point de vue discursif et énonciatif.
L'explication qui a cours est valable au moins pour la langue écrite. Mais l'emploi des pronoms disjoints en tête d'énoncé relève, par excellence, du registre de la langue parlée. D'ailleurs, le détachement ou la dislocation est une des caractéristiques du français parlé. Il n'est donc pas étonnant que certains linguistes essaient d'expliquer la fonction du détachement du pronom disjoint comme introduisant un nouveau thème du discours en question, fonction généralement attribuée au détachement à gauche. Ce type d'explication, cependant, n'est pas toujours applicable s'il s'agit du détachement de
moi. Peut-on affirmer que l'énonciateur parle de lui-même quand il dit : « Moi je crois qu'il a plus de chance que l'autre », par exemple ? Nous proposons, de notre côté, d'analyser le détachement de
moi en tant que manifestation de l'énonciateur MOI au niveau de l'acte d'énonciation, ce qui n'exclut pourtant pas l'existence de
moi contrastif tel qu'on le trouve dans la langue écrite.
Le
moi détaché se trouve le plus souvent quand le locuteur change dans la conversation ou dans le premier énoncé où apparaît
je après le changement de locuteur. Le fait qu'on trouve souvent, avec le
moi détaché, des expressions telles que
eh bien, en tout cas, vous savez, écoute, etc., corrobore aussi notre thèse. Le
moi qui accompagne des expressions du jugement comme
je dis, je crois, je trouve, etc. constitue peut-être le cas le plus explicite du
moi en tant que manifestation de l'énonciateur. L'emploi absolu du détachement de
moi est aussi mieux compris dans l'optique que nous présentons ici. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de relation thème/rhème entre
moi et les autres éléments de l'énoncé dans « Moi, c'est les yaourts ».
Le cas du détachement double (c'est-à-dire celui de
moi et d'un autre syntagme) ne présente pas non plus de difficulté si on interprète
moi comme manifestation de l'énonciateur et l'autre syntagme comme thème d'énoncé. Un cas spécial du détachement double, représenté par une construction comme « Moi, les films japonais ...» interprétée d'une manière péjorative s'il n'y a pas d'intonation ou de geste marquant un jugement positif, est très significatif. Ici on assiste au refus de la mise en relation des deux éléments principaux de la prédication.
Moi, c'est un énonciateur en tant que celui qui émet le jugement, et l'autre syntagme, c'est l'objet de ce jugement.
Le détachement absolu qu'on a vu n'est pas quelque chose d'exceptionnel. Même si on trouve, dans l'énoncé qui suit le
moi détaché, une forme clitique de
moi, il n'est pas nécessaire d'y voir une relation anaphorique (ce qui n'est d'ailleurs pas toujours possible).
Jusqu'ici beaucoup de chercheurs ont considéré le
moi détaché comme faisant partie du phénomène général du détachement. Mais, à notre avis, même si on introduit la distinction rigoureuse du thème phrastique et du thème discursif (ou des thèmes discursifs), il reste beaucoup de cas qui constituent des écueils à l'analyse cohérente. C'est en recourant à la notion d'énonciation, cryoyons-nous, qu'on peut trouver une solution plus satisfaisante que celles de chercheurs comme LAMBRECHT ou BARNES.
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