Les données suivantes sont intrigantes :
(1) a. Il y a une place de libre.
b. ?Il y a une place de confortable.
(2) a. Elle a les yeux qui sont rouges.
b. ?Elle a les yeux qui sont bleus.
(3) a. Elle a les yeux rouges.
b. Elle a les yeux bleus.
Pourquoi existe-t-il une contrainte sémantique sur l'adjectif en (1) et (2)? Pourquoi n'y a-t-il pas de contrainte sémantique sur l'adjectif en (3)? Voilà les problèmes auxquels je vais essayer de répondre dans le présent article.
Les résultats obtenus se laissent résumer de la manière suivante :
(I) La contrainte du caractère temporaire de l'adjectif vient directement de la faiblesse de la thématicité du GN. C'est dire que le GN de faible thématicité demande un prédicat de sens temporaire pour constituer en bloc une proposition de type thétique ou événementiel.
(II) L'énonce thétique, servant à présenter un événement en bloc, est, par définition, un énoncé à GN de faible thématicité. La situation est la même dans les séquences
une place de libre (1a) et
les yeux qui sont rouges (2a) qui représentent chacune un événement temporaire. Ce qu'il faut remarquer, c'est que ces deux séquences diffèrent, cette fois-ci, dans leur façon de réaliser la faible thématicité du GN.
(IIa) Dans (Ia), 1a faible thématicité du GN
une place est assurée par le fait qu'il s'agit d'un GN indéfini ; l'autonomie référentielle que présuppose la faible thématicité du GN est rendue possible par la préposition
de.
(IIb) Dans (2a), la faible thématicité du GN
les yeux est assurée par le mécanisme réducteur de thématicité mis en marche par le subordonnant
qui; l'autonomie référentielle du GN se trouve établie par une contrainte sémantique qui pèse sur la séquence
elle a les yeux, contrainte qui exige que le déterminant soit un article défini et que le nom soit un nom de partie du corps. Le mécanisme réducteur de thématicité est dû a un principe sémantique qui demande que la thématicité et la prédicativité s'équilibrent à un même niveau pour qu'elles puissent avoir un contenu phrastique ou propositionnel. Cela revient à dire que le thème ne peut exister sans son partenaire qu'est le prédicat et que l'abaissement de la prédicativité entraîne nécessairement celui de la thématicité.
(III) L'absence de contrainte sur l'adjectif en (3) montre que la séquence
les yeux+
Adj. constitue une proposition de type catégorique et non pas une proposition de type thétique ou événementiel ; cela est rendu possible par la thématicité élevée du GN défini
les yeux qui reste intacte dans la mesure où elle échappe à l'opération réductrice de thématicité que ferait démarrer le subordonnant
qui.
(IIIa) L'absence de contrainte sur l'adjectif en (3) montre qu'il s'agit là d'une construction bi-thématique bien marquée.
(IIIb) Entre (2a) et (3a), il existe une différence de degré de bi-thématicité. La phrase (2a) constitue, bien entendu, une phrase bi-thématique dans la mesure où elle obéit à la meme contrainte sémantique que dans (3a). La différence de degré bi-thématique entre (2a) et (3a) n'est pas autre chose que la différence de degré de thématicité du second GN
les yeux. La thématicité du GN
les yeux en (2a) est moins marquée que celle de (3a), dans la mesure où elle subit l'opération réductrice de thématicité du subordonnant
qui. Enfin, le caractère bi-thématique de la phrase (2a) est moins marqué que celui de la phrase (3a).
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