Si le sommeil est l'une des obsessions intellectuelles tenaces de Valery, qui s'est inlassablement attache, comme en temoignent ses Cahiers, a retracer cet effacement de la conscience, la dormeuse est un theme recurrent de sa poesie. Toute sa carriere poetique, de sa jeunesse a sa vieillesse en passant par sa maturite, deroule de nombreuses variations sur ce theme. Ses dormeuses sont vues tantot de l'exterieur (le nu pictural), tantot de l'interieur (elles se voient s'endormir). Dans l'Album de vers anciens (<<La Fileuse>>, <<Au bois dormant>>, <<Ete>> et <<Anne>>) le poete se met en retrait pour decrire les dormeuses d'un point de vue purement exterieur. Dans Agathe et La Jeune Parque, c'est, a l'inverse, le <<je>> qui s'endort et qui veut descendre dans le sommeil avec lucidite, poursuivant l'impossible desir de dormir eveille. Ces perspectives s'unissent dans <<La Dormeuse>> (Charmes) et <<Ma nuit>>, deux sonnets qui se font pendant: le poke observe une femme endormie mais, a la difference des pieces d'Album, il en sonde l'interiorite en se devoilant comme <<je>>. Le charme de la dormeuse reside, semble-t-il, dans la presence de sa chair voluptueuse et dans l'absence mysterieuse de sa conscience, presence et absence conjointes qui excitent a la fois l'intelligence et la sensualite valeryennes.
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