Takamura Kōtarō (1883–1956) se trouvait à Paris de 1908 à 1909. Bien qu’il ne nous ait pas laissé beaucoup de documents ni d’oeuvres sur cette période, nous pouvons deviner ce qu’il lui est arrivé lors de son séjour, d’après ses deux oeuvres les plus importantes: «D’un café» et «Liasse de lettres qui n’ont jamais été envoyées».
Kōtarō, admirateur d’Auguste Rodin et lui-même sculpteur, était profondément touché du fait que «la Beauté mûrit et germe à Paris».
Dans ces deux oeuvres, il a tout d’abord écrit qu’il s’enivrait de cette ville sensuelle, tout comme Nagaï Kafū qui avait quitté la capitale un mois auparavant. Ils ont tous deux saisi cette cité aux cinq sens comme «l’espace itinérant», défini par A. Leroi-Gourhan, en opposition à «l’espace rayonnant» décrit par les missions diplomatiques à la fin d’Edo et au début de Meïji.
Toutefois, au contraire de Kafū qui n’avait jamais quitté le monde du rêve, Kōtarō s’aperçut brusquement qu’il ne pourrait jamais «toucher» Paris, pénétrer véritablement dans la réalité, où il se sentait un «Japonais jaune» et aliéné. Comme il l’a avoué lui-même, pour Kōtarō, qui était un vrai sculpteur, le toucher était la source d’une intégration à la vision de ce monde. Par conséquent, une fois trouvé la femme blanche ou le paysage parisien, fugitifs et incompréhensibles au travers du toucher, il fut complètement désespéré et se détacha de cette ville étrangère pour revenir mentalement dans son pays d’origine.
Cette hantise apparaît également dans son interprétation des peintures de Kees Van Dongen, où Kōtarō a découvert, à travers ses représentations parisiennes, «les traces de plaisir». C’était un monde mélancolique, dépourvu de «la voix du plaisir», menacé par l’extérieur, et qui reflétait son intérieur même.
Jusqu’à présent la plupart des critiques ont essayé d’expliquer le thème de l’ambivalence —obsession et fascination—, tel qu’il apparaît dans ses oeuvres traîtant de son expérience à Paris. Alors que nous pouvons de cette manière confirmer la présence de cet aspect négatif dans ses deux oeuvres importantes, nous devons nous demander s’il y fut véritablement heureux, comme il l’a écrit particulièrement dans son poème intitulé «Cathédrale sous une pluie d’orage» (1921).
En effet, il a écrit ce poème sous-titré «Une fantaisie de Paris», plus de dix ans après son séjour, et il l’a composé, non pas d’après ses expériences directes, mais s’est inspiré des idées sur les cathédrales gothiques d’A. Rodin, tout en employant la rhétorique qu’il avait perfectionnée dans sa traduction japonaise (1921) des Heures Clarires d’Emile Verhaeren.
Il en ressort que Takamura Kōtarō n’avait jamais réussi à se fondre effectivement dans l’intimité de Paris, comme il l’a rêvé dans cette fantaisie, et sa tragédie nous suggère en même temps un tournant dans l’histoire de l’image de Paris vu par les Japonais.
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