A Rouen, ville industrielle, il existe six loges au moment de la Monarchie de Juillet : Constance Eprouvee, Parfaite Egalite, Perseverance Couronnee, Verite, Arts Reunis et Sincere Amitie. Ce qui est remarquable a cette epoque, c'est qu'elles connaissent toutes, excepte la loge Sincere Amitie, une augmentation de leurs membres depuis la fin des annees trente. Grace a cela, la franc-maconnerie rouennaise connait une pleine activite, difigee et menee par les "partisans de publicite" reformateurs. Ces derniers critiquent la societe des profanes atteinte par l'egoisme et bien que dans l'ensemble, ils soient presque tous bourgeois, ils manifestent de la sympathie pour les ouvriers pauvres, cette classe dangereuse pour la bourgeoisie et l'autorite. Parmi eux, on trouve, par exemple, Theodore Lebreton, ouvrierpoete renomme, redacteur en chef de la revue maconnique rouennaise : "La Fraternite" fondee en 1843 ; Louis-Philippe Desseaux, avocat, futur Procureur General : Frederic Deschamps, avocat. Tous sont republicains. Le plus remarquable en est Deschamps qui sera nomme Commissaire General de la Seine-Inferieure par Ledru-Rollin, Ministre de l'Interieure, apres la revolution de fevrier. Le reglement de chaque loge interdit la discussion politique a l'interieur meme de la loge. Toutefois, cela ne signifie pas que ses membres sont prives du droit d'avoir une activite politique audehors. En effet, Deschamps participe au mouvement politique de l'opposition. Le rapport du Commissaire Central de Police de Rouen revele qu'il est au contact avec les icariens communistes en 1843 et en 1847. Cet avocat plaidera la cause de Cabet, leader de ce parti, devant le Tribunal correctionnel de Rouen. La ville de Rouen est un des centres de leurs activites. Faut-il le considerer comme un communiste? La reponse est negative, car a la veille de la revolution de fevrier, il est le leader d'un autre groupe politique, celui des democrates, qui reclame le suffrage universel et qui est compose de bourgeois radicaux. La franc-maconnerie rouennaise accueillit chaleureusement la revolution de fevrier et les membres s'engagent a collaborer avec Deschamps, leur frere, qui vient d'acceder au pouvoir. Peut-on dire pour cela qu'elle participe activement a la politique de Deschamps? Est-ce que ce sont les francs-macons qui constituent "l'entourage de Deschamps" et qui sont condamnes par ses ennemis politiques? Non, car ce sont en fait ses amis politiques de la veille de la revolution qu'il installe aux fonctions publiques. Le sanglant evenement d'avril, resultat des conflits sociaux et politiques, conduit a l'expulsion de Deschamps et de son "entourage" du puvoir politique. Il plonge aussi la franc-maconnerie rouennaise dans un profond desarroi. Nombreux sont les membres, qui, devant les accusations "d'utopie" ou "d'Organisation du Travail", la quittent. Les loges souffrent alors du manque de ressources consecutif a la diminution des membres. Sous la surveillance des autorites qui poursuivent les mesures de repression, les activites de la franc-maconnerie rouennaise se cantonnent dans la vie interne de la loge, et elle perd la vitalite qu'elle conservait jusqu'aux journees d'avril.
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