A l'aide de l'analyse de divers rites, nous voudrions eclairer les caracteristiques de deux eglises majeures dans le Bordeaux medieval la cathedrale Saint-Andre et l'eglise du patron de la ville: Saint-Seurin. Saint-Seurin fut fonde dans l'Antiquite tardive comme chapelle attenante au cimetiere chretien extra muros. A partir du XII^e siecle, grace a ses reliques, cette eglise devint l'un des grands sanctuaires sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle. Saint-Andre, construit intra muros, obtint le titre de cathedrale au IX^e siecle mais ne conservait pas de reliques qui suscitent la veneration du peuple. Ainsi, tandis que l'eglise Saint-Seurin etait caracterisee par les pouvoirs du saint, l'autorite de Saint-Andre etait en grande partie fondee sur son titre, qui etait respectable sur le plan hierarchique. Et ce contraste entre les deux sanctuaires est lie, comme nous le verrons plus loin, a celui de leur emplacement. Non seulement pour les pelerins proprement dits mais aussi pour les habitants de la ville, aller a Saint-Seurin extra muros etait un petit "pelerinage" au cours duquel on quittait son milieu ordinaire pour un autre, domine par le saint investi de la justice de Dieu. C'est pourquoi, les Bordelais y priaient, y emmenaient des malades et y pretaient le serment d'innocence. Cependant, a l'inverse de ces rites populaires, les entrees solennelles et serments (pour la prise de fonction ou le respect des privileges de la ville) des dignitaires avaient souvent lieu a Saint-Andre. Lors de la ceremonie de prise de fonction des jurats, representants des habitants, ceux-ci pretaient le serment dans les deux eglises; a l'entree du nouvel archeveque, le prelat, meme s'il passait d'abord une nuit a Saint-Seurin, berceau du christianisme de la ville, s'iristallait finalement a la cathedrale bien entendu; quant aux seigneurs laiques, bien que les comtes de la region avant le XII^e siecle aient fait leur "sacre" dans le sanctuaire de leur patron, presque tous les rois et princes qui vinrent a Bordeaux entre le XIII^e et le XVI^e siecle preterent le serment a Saint-Andre. Ce qui est important dans ces serments a la cathedrale, ce n'est pas l'aspect de l' "ordalie" devant Dieu que l'on trouve dans les rites a Saint-Seurin, mais la publicite du voeu "devant le peuple". En meme temps, ces ceremonies publiques prirent de plus en plus l'aspect de "fete" de la ville. Dans la perspective du "petit pelerinage au sanctuaire extra muros", la ville est percue comme une Babylone que l'on doit abandonner; au contraire, quand on reconnait l'autorite du sanctuaire intra muros, la ville est une Jerusalem ou l'on attend la venue du Messie. Ces attitudes, tout en s'opposant l'une a l'autre, coexisterent pendant tout le Moyen Age.
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