Flaubert et le libéralisme politique du XIXe siècle.
« droits de l’individu et de l’État » dans Bouvard et Pécuchet
Nobuyuki HIRASAWA
Dans le chapitre VI de Bouvard et Pécuchet, Flaubert tente de remettre en question certains postulats des sciences politiques de son époque, notamment la dichotomie entre les droits de l’individu et ceux de l’État. Dans cet article, nous nous proposons d’analyser la façon dont le « libéral enragé » Flaubert a mis en scène cette dichotomie. Nous examinons en particulier la genèse d’une scène de discussion où les deux protagonistes se disputent avec le notaire du village au sujet de la liberté d’expression et du salut public. Cette scène s’inspire des débats sur les droits respectifs de l’individu et de l’État entre John Stuart Mill et Charles-Brook Dupont-White.
Caricaturant ces débats, Flaubert attribue aux deux protagonistes du roman des arguments individualistes, et au notaire du village des raisonnements étatistes, comme la doctrine du salut public. Or, le roman révèle qu’une telle dichotomie est en fait inopérante. Car, si le notaire du village invoque le salut public pour justifier des mesures tyranniques, c’est parce qu’il craint que le désordre ne nuise à ses affaires. Indifférent aux affaires publiques, et soucieux de maintenir l’ordre à tout prix, ce personnage figure les écueils de « l’individualisme » tels qu’ils sont décrits par Tocqueville. Paradoxalement, le roman posthume de Flaubert nous montre ainsi que l’étatisme et l’individualisme, se confondant souvent, s’avèrent incapables de garantir les droits individuels face à l’autorité. Sur ce point, notre auteur n’est pas un libertaire, mais un libéral au sens authentique du terme, pleinement conscient des dangers de l’étatisme comme de l’individualisme, deux doctrines intransigeantes.
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