Être comme une pierre
Marguerite Yourcenar et la quête de l’être
Kotaro FUKATA
Dans un essai intitulé « Diagnostic de l’Europe » (1929), Marguerite Yourcenar, critiquant le style littéraire qui se déforme progressivement, manifeste son goût pour le classicisme. À cela s’oppose l’intérêt de Bataille pour l’informe que témoignent une série d’articles publiés dans Documents (1929-1931). Mémoires d’Hadrien (1951), chef-d’oeuvre de Yourcenar, s'imprègne profondément de l’esthétique classique. Après le suicide d’Antinoüs, l’empereur romain, faisant embaumer le corps de son favori, insiste pour que sa forme humaine soit gardée intacte ; l’esthétique classique se matérialise dans le corps vide de la jeunesse éternelle.
Entre Mémoires d’Hadrien et L’OEuvre au Noir (1968) se creuse un abîme ; l’empereur humaniste Hadrien prend la responsabilité de la beauté du monde en rejetant l’inhumain ou l’abject, alors que le monde où vit l’alchimiste Zénon est en voie de pourriture. Dans un discours, Yourcenar dénonce une hybris de l’intelligence qui tend à opposer l’homme au reste de l’univers ; l’écrivaine exalte la vertu d’humilité, qui permet à l’homme de s’abaisser jusqu’au niveau du règne minéral. Ainsi s’attache-t-elle à la sagesse orientale qui apprécie « l’intelligence qui englobe » au lieu de « l’intelligence qui discrimine ». Après avoir parcouru le monde, le personnage de Zénon et de Nathanaël d’Un homme obscur (1982) se réduit à l’être qui se fond dans la nature. En retraçant la généalogie familiale, l’écrivaine du Labyrinthe du monde touche le fond de l’être comme « ce qui est sans nom et sans forme ».
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