Abstract
On se propose de retracer dans cet article le processus de formation de la notion d'homme (aujourd'hui évidente aux yeux des sociologues) à travers les liens généalogiques unissant Tocqueville à Durkheim dans l'approfondissement de la philosophie sociale, liens jusque-là relativement négligés dans les recherches japonaises au profit de la filiation du positivisme sociologique instaurée entre Comte et Durkheim.
Dans cette perspective, l' analyse cherche à éclairer comment les deux chocs sociohistoriques que furent la Révolution de février 1848 et l'Affaire Dreyfus contribuèrent, chez chacun de ces auteurs, à l'élaboration de l'épistémologie sociologique moderne.
On en tire la conclusion que notre vision sociologique de l'homme résulte pour une bonne part de l'unification de deux points de vue historiquement constitues et épistémologiquement opposés (et dont la contradiction n'est qu'à peine subsumée) : ceux de la transcendance (la généralité, l'universalité) et du profane (la particularite, le concret). Dès lors apparaît indispensable au maintien de cette unité contradictoire une forme d'autorité, et il est montré que pour cette analyse de la notion d'homme, l'étude du processus d'approfondissement des connaissances sociales qui mène “de Tocqueville à Durkheim” est plus opératoire que celui qu conduit “de Comte à Durkheim”.
En outre, on montre comment cette constitution de la notion d'homme est allée de pair avec celle de notre notion actuelle de société.
Mots-clés : Tocqueville, Durkheim, histoire de la sociologie française.