Abstract
La pensee sur l'art de l'artiste contemporain jaillit d'une partie si profonde de leur personnalite qu'elle est reflechie inevitablement dans leurs oeuvres : l'oeuvre d'art contemporaine est esthetique dans le sens non seulement d'"asthetisch" mais aussi de "kunstphilosophisch". On peut y saisir des pensees importantes pour la philosophie de l'art. Jean Anouilh denonce, dans le prologue d'Antigone, le public qui prend une attitude esthetique d'isoler Antigone, et dans Becket presente la morale esthetique comme une sorte de morale provisoire qui est choisie parce qu'il n'y a de mesure de valeur : le mode d'etre seulement esthetique l'irrite. On sent, dans l'autre cote, qu'il se lamente sur la solitude de l'artiste dans l'epilogue d'Antigone. Pourquoi se lamenter? Parce qu'il a echoue dans l'experience mentale de l'ethique : il, lui qui survit la mort d'Antigone, ne peut pas prendre la solution d'Antigone pour la sienne. L'artiste est, donc, doublement aliene, du public et de son oeuvre d'art elle-meme. Comme Malebranche a dit sur le theme de la conservation divine (Oeuvre completes, XII-157), la creation humaine differe de la divine parce que son oeuvre, qui a ete produite comme un double du createur, en devient independant et se propose comme un autre qu'il devra surmonter. L'auteur ne vit que s'il fait vivre son oeuvre en se renoncant : la creation humaine est une acte d'amour et sa logique est celle de la dialectique. Pour surmonter cette double alienation, l'auteur doit d'abord prendre comme sien cet amour et accepter d'etre l'ombre de son oeuvre. Anouilh a parle, en 1951, de "l'honneur de dramatiste" : il s'est metamorphose d'un homme au monde en un dramatiste. Cette metamorphose lui a fait preceder le soin d'oeuvre au celui de sa propre existence, ou plutot s'integrer celui-ci a celui-la. Pour voir positivement cette metamotphose, on peut comparer l'epilogue d'Antigone avec celui de "l'Alouette", qui fait conclure esthetiquement l'oeuvre.
