Abstract
Y a-t-il, dans la philosophie de Michel Henry, les traces d’une discussion avec celle de Jean Wahl, lequel dirigea sa thèse intitulée L’essence de la manifestation ? Pour éclairer la relation entre ces deux philosophes, nous chercherons à comprendre jusqu’à quel point Wahl échappe au « monisme ontologique » que dénonce Henry dans son premier ouvrage. Nous mettrons en exergue à la fois la distance et la proximité qui caractérisent la pensée de ces auteurs.
Dénonçant le « monisme » qui domine la tradition philosophique et conduit à saisir toute expérience à l’aune de la « distance phénoménologique » et de la « transcendance », Michel Henry – dans L’essence de la manifestation – propose de conférer une place à l’« immanence », c’est-à-dire à l’apparition de soi à soi, à l’expérience de la non-distance.
Or, une tentative comparable se trouve sous la plume de Jean Wahl. Ce dernier, cherchant à tracer des itinéraires dialectiques dans l’histoire de la philosophie, ne fait que mettre en relief la réalité qui ne serait véritablement atteignable qu'au sein d'une expérience en laquelle la « distance » entre le sujet et l’objet disparaît. Selon Wahl, les dialectiques qui traversent l’histoire philosophique donnent à penser que la conscience s’efforcerait toujours d’accéder à l’expérience de la non-distance qui précède la conscience elle-même. Partageant avec Henry la volonté d’affirmer l’expérience sans distance, Wahl se tient ainsi à distance du « monisme ».
Henry confère cependant à cette expérience une place concrète dans la vie humaine en affirmant que le sentiment est la modalité de l’apparition de soi à soi, alors que Wahl caractérise l’humain comme relevant d'une dialectique de la distance et de l’unité. Pour lui, l’humanité de l’humain consiste en un effort visant à faire, bien que cet effort soit vain, l’expérience de l’unité.