Cet article vise à démontrer que, malgré l’opposition apparente entre Jacques Derrida et Michel Henry, leurs philosophies respectives pourraient se rejoindre dans leur vision de l’histoire de la philosophie. En ce sens, nous trouvons une lecture déconstructive henrienne dans la
Généalogie de la psychanalyse. Derrida et Henry ont été traditionnellement considérés comme des penseurs appartenant à des courants philosophiques radicalement distincts : Derrida comme un philosophe de la transcendance et Henry comme un philosophe de l'immanence. Toutefois, cette étude cherche à réévaluer cette opposition en mettant en lumière leurs possibles points de croisement. Dans un premier temps, nous analysons leurs interprétations du
Cogito cartésien à la lumière du différend entre Derrida et Michel Foucault, ainsi que de la lecture qu’Henry propose du
Cogito. Dans un deuxième temps, nous examinons leurs compréhensions respectives du projet heideggérien de destruction de l’histoire de la philosophie, ainsi que la manière dont chacun s’éloigne de la pensée de Heidegger. Notre analyse repose sur une lecture approfondie du séminaire de Derrida sur Heidegger et de
L’Essence de la manifestation d’Henry, afin d’examiner comment ces deux philosophes ont réinterprété et approprié la
Destruktion et l’
Abbau heideggériens. Dans un troisième temps, nous interrogeons la façon dont cet éloignement s’est opéré à travers leurs lectures de Freud et en quoi cette même confrontation avec la psychanalyse constitue un carrefour potentiel entre leurs deux approches philosophiques. Enfin, nous en concluons que leurs pensées respectives auraient pu se croiser sur le plan théorique, révélant ainsi une affinité souterraine entre leurs visions critiques de l’histoire de la philosophie, et que, malgré leur distinction apparente entre philosophie de l’immanence et philosophie de la transcendance, leur réception critique de Heidegger et de Freud en France démontre une dynamique partagée.
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