Enfance (Yônen, 1964) de Fukunaga Takehiko (1918-1979) est un roman qui fixe un motif original de cet auteur, la 《mémoire pure》(junsui-kioku) de sa prime enfance, conservée à l’état pur dans son esprit. Cette étude aborde la relation entre ce motif et l’esthétique de 《Correspondances》de Baudelaire (1821-1867).

　Fukunaga emploie ici une méthode en trois phases. Dans la première, la mémoire est suggérée comme une sorte d’amalgame mental sans image concrète. Dans la seconde, les images concrètes de la mémoire, amalgames d’impressions sensitives, analogues aux synesthésies de 《Correspondances》, se confondent avec le premier type de mémoire. Dans la dernière, les souvenirs concrets, grâce à la fonction d’imagination, apparaissent l’un après l’autre, reliés à ces amalgames.

　Dans son interprétation de 《Correspondances》, Fukunaga utilise souvent l’expression 《protomusique》 (gen-ongaku), relevant d’une dimension mentale réelle, quoique vague, qui sous-tend et permet les correspondances des sens. Il semble que les deux premières phases correspondent à cette dimension, et que cette relation soit ce qui garantit la réalité de la 《mémoire pure》. La troisième phase suit un développement différent de 《Correspondances》, mais l’idée élémentaire selon laquelle c’est la fonction d’imagination qui donne la forme aux souvenirs est bien héritée de Baudelaire.

　En conclusion, Fukunaga emploie l’esthétique de 《Correspondances》 pour assurer la réalité de sa mémoire primaire, la reliant à celle du poète français créée grâce à l’imagination, établissant ainsi une méthode de 《fiction》 pour représenter la 《mémoire pure》 avec cette authenticité garantie.