Dans les recherches linguistiques, TOKIEDA et SAUSSURE ont en commun l'idée que le langage ne constitue pas une substance (=chose en soi), mais des actions de forces physiologiques, psychiques, mentales. Par conséquent, la linguistique n'a pas non plus pour objet les choses qui sont naturellement données. L'existence des unités linguistiques suppose une opération très positive de l'esprit.
Pourtant la notion d' "action linguistique" chez SAUSSURE est foncièrement différente de celle de TOKIEDA. L'essence de l'action linguistique, chez TOKIEDA, consiste dans la conceptualisation (=généralisation) des choses individuelles par la conscience des sujets parlants. Il pense qu'il y a dans le langage des associations successives qui lient les choses aux concepts et puis aux sons vocaux, et que le langage ne représente que les associations subjectives de ce type. Dans cette notion d' "action linguistique", la condition des sujets parlants est parfaitement active, et on peut aller jusqu'à dire que tous les sujets parlants possèdent la même compétence que, par exemple, celle des peintres qui généralisent les choses par les couleurs et les lignes.
Mais, chez SAUSSURE, le rôle essentiel de l'action linguistique vis-à-vis de la pensée consiste dans la différenciation de notre expérience du monde. Et cette différenciation se traduit par la délimitation des unités significatives que fait la pensée dans la masse parlée qui est informe. « La pensée, de sa nature chaotique, dit SAUSSURE, est forcée de se préciser parce qu'elle est décomposée, elle est répartie par le langage en des unités ». Donc les sujets parlants, selon lui, produisent des différences quant aux données de l'expérience, et par cette production de différences, leur pensée est décomposée, c'est-à-dire devient consciente. Les différences significatives produites par les sujets parlants organisent à leur tour la pensée des sujets parlants.
Malgré la similarité entre la théorie de TOKIEDA et celle de SAUSSURE, au moins quant à leur point de départ, on ne peut méconnaître la divergence très grave qui se fait jour dans leurs notions d' "action linguistique". Il me semble qu'il s'agit ici de deux manières de concevoir la reconstruction du monde par le langage. Et en prenant cette divergence en considération, on peut entreprendre une étude comparative utile et féconde de TOKIEDA et SAUSSURE.
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