2025 Volume 127 Pages 141-156
« Passage Pommeraye » : un théâtre de chimères verbales
Les résonances du surréalisme dans la première nouvelle de Mandiargues
Toji MATSUBARA
« Passage Pommeraye » est la première nouvelle du recueil Le Musée noir (1946) d’André Pieyre de Mandiargues. Inspiré par Le Paysan de Paris d’Aragon, comme l’a admis l’auteur, ce texte s’ouvre sur une épigraphe tirée des Champs magnétiques de Breton et Soupault. L’intrigue se déroule à Nantes, sanctuaire du surréalisme, en raison de son lien historique avec le mouvement, notamment avec la mort de Jacques Vaché en 1919.
Pour commencer, nous examinons comment Mandiargues associe le maniérisme au surréalisme tout en l’opposant dialectiquement au baroque. Son style repose sur la combinaison de ces deux courants antithétiques. Dans « Passage Pommeraye », l’écriture surréaliste se déploie dans un espace baroque scénique. Le mot passage y joue un rôle central, évoquant à la fois un lieu (galerie marchande) et une transition textuelle. La nouvelle cherche à établir une convergence entre espace baroque et écriture surréaliste.
Enfin, à travers la figure symbolique de « l’homme-caïman », apparue à la fin du récit, notre analyse explore la relation entre l’image surréaliste, génératrice de chimères verbales, et le texte. Dans un passage où se déploie un spectacle de mots, le protagoniste découvre la matérialité du langage comme objet tangible. Guidé par une femme incarnant Échidna, mère des monstres, il subit une métamorphose et renaît sous forme d’une nouvelle chimère : « l’homme-caïman ». Par la vision surréaliste de l’objet, Mandiargues fait surgir une figure subversive, créature née de l’union du surréalisme et du fantastique.