2025 Volume 127 Pages 125-140
L’émotion que Bataille voit dans Hegel
Comment comprendre que « l’angoisse est la même chose que le désir » ?
Jun HAYASHI
Georges Bataille (1897-1962) affirme dans L’Alleluiah (1947) que « l’angoisse est la même chose que le désir. » Cet article introduit la notion d’émotion afin d’aborder l’angoisse et le désir comme un couple émotionnel. Ce cadre analytique permet de mettre en lumière leur lien étroit. Bataille s’inscrit dans une filiation avec les émotions présentes dans la philosophie de Hegel. Pourtant, chez lui, elles orientent l’humain vers l’instant opposé à la temporalité finalisée telle qu’elle apparaît chez Hegel.
L’objectif de cet article est de clarifier le contenu de ces émotions et d’examiner la pensée bataillienne sous l’angle de leur assimilation mutuelle. L’angoisse et le désir coïncident, non seulement parce qu’ils orientent l’action de l’humain historique vers une totalité hégélienne, mais aussi parce qu’ils suggèrent l’instant où la temporalité de l’action se brise. La pensée de Bataille considère l’humain comme un sujet qui désire se fuir, mais angoissé devant cette fuite. De ce fait, l’angoisse et le désir deviennent des émotions opposées mais interdépendantes. Plus on demeure en soi, plus le désir de s’en échapper s’intensifie. Inversement, l’angoisse croît également. Chez Bataille, il est impossible d’atteindre une satisfaction définitive, et d’éliminer complètement l’angoisse. L’angoisse, intensifiée par la prise de conscience de l’impossibilité de demeurer en soi, ouvre alors la voie vers l’instant désiré.