2015 Volume 19 Pages 16-30
La distinction entre la parole parlante et la parole parlée que Merleau-Ponty a proposée dans la Phénoménologie de la perception fait partie intégrante de la pensée du langage chez lui. C’est la première notion que nombre de recherches précédentes considèrent comme importante. Mais la deuxième attire moins l’attention.
Dans cette article, je la mets en question : qu’est-ce que la parole parlée ? D’abord, je montre que la discussion du langage dans la Phénoménologie de la perception suppose les deux distinctions : l’une entre l’usage créatif et l’usage empirique du langage, l’autre entre toutes les actualisations du langage, créatives ou non, et le langage comme la virtualité pure, la langue au sens saussurien. Je veux ici rechercher la deuxième distinction.
Chez Merleau-Ponty, qu’est-ce que la langue ? Certains disent qu’elle est, pour lui, le pouvoir de parler, un ensemble des habitudes corporelles. Paul Ricœur critique telle conception de la langue parce qu’elle manque de dialogue avec la linguistique, qui regarde la langue comme une structure autonome sans sujet parlant. La solution de ce dilemme se trouve dans le texte de Merleau-Ponty. En recourant à la notion de schème sub-linguistique de Gustave Guillaume, il écrit que la langue n’existe qu’en tant qu’elle est assumé par les sujets parlants. Dans sa discussion du temps et du verbe, Guillaume montre que le système des signes présuppose l’existence du sujet parlant qui les réalise dans sa pensée. C’est cette conception qui permet de réunir deux notions de langue : la structure et l’habitude.