2009 Volume 26 Pages 19-37
La théologie scolastique moderne du XVIe siècle a développé progressivement une notion anthropologique qui prendrait forme dans la deuxième moitié du siècle, notamment chez F. Suarez : il s’agit de la notion du status purae naturae. En proposant cet état comme pur de n’importe quel élément surajouté au naturel, le doctor eximius met en relief d’une part, l’autonomie de l’ordre naturel vis-à-vis de l’ordre surnaturel et d’autre part, la condition propre de la nature humaine qui, capable d’acquérir sa fin dernière connaturelle, peut se suffire à l’intérieur de cet ordre naturel. Lorsque Descartes considère la philosophie comme solidement bonne et importante occupation ‘‘des hommes purement hommes’’, s’approprie-t-il la notion suarézienne de l’état de la nature pure? Cet article se propose ainsi de mesurer la portée de cette notion théologique dans la pensée moderne incarnée par le cartésianisme, d’abord en élucidant cet état de la nature pure à la suite des raisonnements suaréziens destinés à d’en établir la possibilité et puis en sondant les prémisses cachées dans la prise de position de Descartes comme philosophe ainsi que dans son analyse de l’idée de bonheur, fin dernière de l’homme.