2015 Volume 32 Pages 95-108
Dans la préface rédigée pour la réédition de son propre livre Le temps et l’autre, Levinas reconnaît « les insuffisances » de cet écrit de jeunesse : l’autre avait été, dans ce livre, désigné comme si c’était un « simple objet », et défini par des expressions négatives telles que « je ne suis pas l’Autre » ou « Autrui (…) est ce que je ne suis pas ». Mais en introduisant dans ses recherches les problématiques du langage, Levinas a essayé, surtout dans son premier ouvrage majeur Totalité et Infini, d’expliquer l’autre comme ce qui dépasse le concret d’autrui et qui ne revêt plus de connotation négative. La parole d’autrui ne transmet que le son. Pourtant, en accueillant cette parole, le moi songe ou « attend » une compréhension autre que moi-même, et « respecte » l’autre possibilité de penser. C’est cette parole même qui me fait penser autrement sans « corrompre » ma liberté. Je réponds à autrui et le sollicite de donner d’autres explications pour mieux entendre. Dire et dédire, c’est l’œuvre même du langage. Cette relation du langage est, selon Levinas, l’enseignement même de l’Idée de l’Infini chez Descartes.