2023 年 122 巻 p. 65-82
Une scénographie de l’altérité
les mises en scène des personnages étrangers dramatiques de Jean Giraudoux par Louis Jouvet
Seigo TANOKUCHI
Le présent article analyse les pièces de Jean Giraudoux mises en scène par Louis Jouvet et dont les sujets sont tirés des littératures classiques étrangères.
Dans les années 1920-1930, période où Giraudoux et son metteur en scène Jouvet ont donné la plupart de leurs oeuvres théâtrales, de nombreux étrangers et cultures étrangères sont arrivés en France pour changer ce qu’étaient les arts de l’époque : l’École de Paris était un mouvement des beaux-arts où étaient rassemblés des peintres de différentes nationalités comme Juan Gris ou Léonard Foujita, alors que les Ballets russes regroupaient des artistes réfugiés de ce pays. Lors de l’Exposition coloniale internationale à Paris en 1931, les cultures de l’Asie et de l’Afrique ont aussi été introduites et certaines d’entre elles ont inspiré les metteurs en scène de théâtre d’alors, dont Antonin Artaud qui s’est fait une idée du théâtre du corps à partir des danses balinaises.
L’oeuvre théâtrale de Giraudoux et Jouvet peut aussi être abordée par le prisme de ce contexte culturel international de l’entre-deux-guerres. De Siegfried (1928) à La guerre de Troie n’aura pas lieu (1935) ou Ondine (1939), Giraudoux a toujours écrit dans ses drames les étrangers et leur culture afin de témoigner son respect envers les « optiques de l’Autre » (A. Duneau). Quant à Jouvet, un acteur qui a débuté à New York lors du séjour de son maître Jacques Copeau aux États-Unis, il s’est consacré à l’invitation des troupes étrangères et a effectué les tournées à l’étranger, de l’Europe de l’Ouest à l’Amérique du Sud.
Ainsi, ce metteur en scène qui aimait le public étranger a été fasciné par les personnages étrangers de Giraudoux et a entrepris de leur donner sur scène une belle apparence exotique. En effet, en voyant les archives de mise en scène que Jouvet a laissées à la Bibliothèque nationale de France, nous comprenons qu’il a exécuté diverses inventions pour représenter les Troyens ou les Germains de l’écrivain : il ne recourait pas qu’aux décors ou accessoires du théâtre traditionnel, mais aussi aux techniques audiovisuelles les plus récentes de l’époque comme la musique enregistrée ou l’éclairage électrique. Et c’est bien grâce à ces nouveaux moyens que les spectateurs s’assimilaient fortement aux personnages étrangers sur scène et concevaient un attachement infini pour les terres lointaines.