2024 年 125 巻 p. 69-82
La méthode de traduction littérale
Traduction d’Homère par Leconte de Lisle et philologie
Léo KIKUTA
Immédiatement après sa publication au milieu du XIXe siècle, la traduction de l’Iliade par Leconte de Lisle a fait l’objet de nombreux comptes rendus. Les plus singuliers d’entre eux ont été publiés dans la Revue critique d’histoire et de littérature, revue spécialisée en philologie. Ainsi, même les deux philologues, Charles Thuro et Gaston Paris, ont écrit à ce sujet. Cela témoigne de l’intérêt porté à la traduction faite par Leconte de Lisle. Cependant, que signifie le fait qu’un poème traduit par un poète fasse l’objet de tels comptes rendus philologiques ?
L’« Avertissement » de l’Iliade commence par cette phrase souvent citée pour être une annonce succincte de la transition entre les belles infidèles et les traductions littérales : « Le temps des traductions infidèles est passé ». La traduction de Leconte de Lisle est de la sorte associée au « savoir » et est censée donner « une idée plus nette et plus vraie de l’œuvre homérique ». Cette caractérisation de la traduction a été perçue comme un défi pour la philologie qui entretenait un idéal similaire.
La mise en relation de la traduction littérale avec le « savoir » est assurément issue de la théorie romantique allemande de la traduction qui s’oppose à la tradition des belles infidèles en France, or, on le sait, la philologie à cette époque représentée par Gaston Paris suivait elle-aussi l’exemple allemand. Si l’on se souvient que la philologie constituait une réaction contre les belles lettres, il devient alors ainsi possible de considérer les comptes rendus concernant l’Iliade de Thuro et de Paris comme se trouvant à la croisée entre la théorie de la traduction et la philologie d’origine allemande, ou encore comme le lieu où se rejoignent la réaction contre les belles infidèles et celle contre les belles lettres. La différence d’opinion entre Thuro et Paris sur la traduction montre l’ambiguïté et la complexité du rapport entretenu par la philologie envers cette nouvelle perspective sur la traduction, entre acceptation et résistance.