2015 年 21 巻 p. 27-38
Mérimée donne-t-il de l’île de Corse, dans Colomba, l’image d’un « pays étranger »? Dans la mesure où son récit réemploie les motifs exotiques que la littérature française avait attribués à la Corse, l’écrivain paraît s’inscrire dans « l’horizon d’attente » du lecteur français de son temps. La question est cependant plus complexe si l’on se tourne vers les personnages principaux, et si l’on s’avise qu’aucun d’entre eux n’étant d’origine française, le texte n’offre aucune figure de médiateur entre la culture nationale et l’altérité d’un « pays étranger ». À quelle logique ce dispositif paradoxal obéit-il ? La clef de cette stratégie narrative paraît résider dans le terme « sauvage », investi dans trois occurrences significatives : le pays « sauvage » est fait pour séduire les touristes, Lydia apprécie la Corse « sauvage », et Orso est déchiré entre sa patrie « sauvage » et la civilisation. Le lecteur est ainsi invité à découvrir les aspects variés du pays. En outre, le narrateur extradiégétique ne reprend pas à son compte le terme « sauvage », laissant subsister une ambiguïté qui fait toute la profondeur de l’œuvre.