2019 年 9 巻 p. 73-96
Dans son interprétation de Derrida, Rogozinski qualifie la relation heureuse du maître et du disciple d’ infidèle fidélité. Si la « fidélité servile » du disciple qui asservit son maître sous la charge de l’hommage (soit par le « commentaire historique » ou le « commentaire mimétique ») est, dit Rogozinski, ridicule, l’infidélité du disciple qui est désireux de « faire son deuil » est détestable. L’interprétation fidèle du texte du maître est possible, qui n’exclut pas l’invention ou jeu aléatoire avec son texte pour « se confronter à ses impensés ». On peut se demander si c’est le cas, lorsque Rogozinski interprète Michel Henry. Lorsque Rogozinski cite son nom, c’est souvent pour expliciter sa théorie sur la constitution de l’égo, en critiquant la philosophie de la Vie. L’interprétation de la pensée de Henry par Rogozinski n’est-elle pas alors une « réfutation polémique » d’un disciple pressé d’en finir avec son maître ? Non, ce n’est pas le cas chez Rogozinski. On sait bien que Henry, dans ses derniers écrits, entend structurer l’épreuve de soi comme naissance. La naissance transcendantale, Henry qualifie ainsi l’épreuve de soi dans la venue à la Vie. Ce qui est remarquable, c’est que Rogozinski nous a proposé, lui aussi, de penser l’auto-constitution du soi comme (re)naissance. Il prend la suite de Henry dans sa tentative de penser l’auto-constitution du soi comme (re)naissance, mais dans une perspective toute différente. C’est en analysant le problème de la fonction du nom propre que Rogozinski nous montre comment le moi s’efforce de renaître. Dans cette perspective, nous pouvons lire Rogozinski comme Henry pour penser le problème de la constitution du moi, tout en respectant leur différence.