Après la publication des manuscrits des notes de cours au Collège de France de Merleau-Ponty, Proust s’impose comme un interlocuteur privilégié pour lui. Dès ses premiers textes, les œuvres de l’écrivain français constituaient une référence importante et même dans son dernier écrit Le visible et l’invisible, il soutient que : « Personne n’a été plus loin que Proust. » Dans ses notes de cours du Collège de France, par exemple celles intitulées Le problème de la parole (1953-1954), L’institution (1954-1955) ou encore Ontologie cartésienne et ontologie d’aujourd’hui (1960-1961), Merleau-Ponty commente inlassablement l’œuvre proustienne. Dans cette mesure, son ontologie inachevée consti- tue également une tentative de relecture intégrale de l’auteur de À la recherche du temps perdu. On pourrait dire que Merleau-Ponty, explorant une sorte de « scénario proustien », cherchait à exprimer le rapport du monde expressif du langage au monde sensible, en posant la question de l’idéalité de l’invisible, ainsi qu’à libérer la puissance du langage littéraire, lequel alimente ce langage philosophique qui saisit ontologiquement son propre rapport à la nature ou à « la chair ».
En particulier dans Le problème de la parole, Merleau-Ponty fait ressortir l’ori- ginalité d’une sorte de « platonisme » proustien. Sa lecture s’articule autour de plusieurs grands axes. Premièrement, il décèle chez Proust un modèle d’expression du monde perceptif par le langage. Cet écrivain lui semble être parvenu à amener « l’expérience muette encore » à l’expression propre, ce qui est la tâche de sa philosophie.
Deuxièmement, Merleau-Ponty considère dans ce cours la relation de la litté- rature proustienne, laquelle sait nous « faire voir », à d’autres arts, tels la peinture ou à la musique. À la différence de Sartre, qui a distingué de façon rigide la prose de la peinture ou de la musique, l’interprétation merleau-pontienne de la vision proustienne de l’art met l’accent sur une ressemblance entre la littérature comme prose et ce que la peinture ou la musique peut nous donner. Il s’agit du « style » entendu telle une vision qui peut nous faire voir, ce qui constitue la fonction commune de la littérature et de la peinture ou de l’art.
Troisièmement, Merleau-Ponty s’adonne dans ce cours à la critique de la notion d’engagement que Sartre a présentée dans Qu’est-ce que la littérature ?. Contre l’idée sartrienne de l’engagement de l’écrivain, il insiste sur la signification que revêt le passé pour l’homme de lettres. Dans le sillage de cette mise en cause de l’engagement, Merleau- Ponty poursuit en outre son investigation de la notion d’institution.
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