Les constructions interrogatives :
le livre de qui, le directeur de quelle banque etc., qui sont des traductions littérales de celles en japonais :
dare no hon, nani ginkô no tôdori, peuvent-elles être grammaticales et entrer dans le système interrogatif du français? Comment fonctionnerait, dans ce cas, la règle de la « montée de l'interrogatif »? Telles sont les questions fondamentales que nous nous sommes posées dans notre présente étude.
Selon les fonctions du nom auquel se rapporte le complément questionné et selon que la montée a lieu ou non, nous obtenons 11 types de phrase interrogative, dont nous avons jugé la grammaticalité et le degré d'acceptablilité en nous basant sur les réponses de nos quelques informateurs français.
Quand l'interrogation porte sur le complément du nom object direct, la montée du syntagme interrogé rend peu naturelles les phrases :
La voiture de qui préférez vous? De qui préférez-vous la voiture? Elles peuvent néanmoins être jugées grammaticales, parce que les sujets parlants ne peuvent pas s'empêcher de leur admettre une certaine conformité aux règles de la grammaire française. Des grammairiens éminents en donnent en effet quelques exemples. La montée toute seule du complément interrogé rend les phrases un peu recherchées mais acceptables dans le cas du complément de l'attribut :
De qui est-il le fils?, agrammaticales dans le cas du complément d'objet indirect ou circonstanciel :
*De qui penses-tu au père?, et très douteuses dans le cas du complément du sujet :
*De qui la maison a brûlé? ?*De quels écrivains français les œuvres sont toutes traduites en japonais? La montée tout entière du syntagme formé du nom et de son complément interrogé rend les phrases agrammaticales dans le cas de l'attribut :
*Le fils de qui est-il?, mais grammaticales dans le cas du complément d'objet indirect et circonstanciel :
Au père de qui penses-tu? La forme sans montée présente un degré d'acceptabilité assez élevé dans tous les cas :
Vous avez lu les œuvres de qui? Tu penses au père de qui?, Il est le fils de qui?, sauf peut-être dans celui du sujet :
?La maison du qui a brûlé?
Nous avons ensuite cherché, dans le système grammatical du français, d'autres types de construction parallèles pour expliquer la raison de la grammaticalité et de l'agrammaticalité de nos phrases interrogatives. Ainsi, l'impossibilité qu'a la montée du complément prépositionnel extrait d'un autre syntagme lui-même prépositionnel s'explique par « le principe de A/A » de la grammaire transformationnelle. Le statut douteux que présente la montée du complément interrogé du sujet peut être relié, soit à l'agrammaticalité de la construction du type :
*C'est de Pierre que la maison a brûlé., soit aux restrictions sévères imposées au pronom EN qui reprend le complément du sujet de la forme « DE+N », soit encore au statut trop littéraire et partant peu naturel de la fonction thématique de la préposition DE dans :
?De cette maison l'histoire est bien connue.
D'autre part, l'interrogation sans aucune montée, qui semble la plus probable et qui convient surtout à la « question-écho » à cause de son sens affectif, n'est pourtant pas très usuelle et apparaît plus souvent sous forme elliptique. En somme, comme on pouvait bien le prévoir instinctivement, toutes nos phrases interrogatives présentent un degré d'acceptablité sensiblement bas à côté de celles, plus normales, du type :
Quelle voiture préférez-vous?, A qui appartenait la maison qui a brûlé? etc. Cependant, les phrases grammaticales mais peu acceptables relèvent, à notre avis, de « lacunes accidentelles » et non « systématiques », dont les sujets parlants peuvent, le cas échéant, se servir, et dont, d'ailleurs, la langue dispose comme potentialité sur tous ses plans, phonologique, morphologique, syntaxique et sémantique.
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