Etudes de langue et litterature francaises
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Volume 121
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  • selon la Préface sur le traité du vide
    Hirofumi KAWAKAMI
    2022 Volume 121 Pages 3-19
    Published: 2022
    Released on J-STAGE: August 31, 2022
    JOURNAL FREE ACCESS

    La diversité de la connaissance et l’image optique chez Pascal

    selon la Préface sur le traité du vide

    Hirofumi KAWAKAMI

     

      L’auteur des Pensées, Blaise Pascal est aussi connu pour ses contributions à la physique. Nous allons traiter dans cet article d’un texte appelé la Préface sur le traité du vide qui a pour objectif la défense de la nouvelle opinion qui s’oppose à la théorie admise. Dans ce but, Pascal montre la divergence entre les domaines scientifiques : les uns font confiance aux témoignages des devanciers (l’histoire), les autres à la raison et aux sens (les mathématiques, la physique). Et l’auteur affirme que ceux qui suivent aveuglément l’autorité des devanciers dans le dernier domaine se trompent. Cependant, si nous acceptons l’assertion pascalienne, il reste encore une question : est-il légitime d’établir une nouvelle théorie contraire à la théorie admise en physique ? Pourquoi ne devons-nous pas demeurer dans le paradigme actuel devant les effets (les phénomènes) naturels inconnus ?

      L’auteur répond que les effets naturels suivent toujours la loi naturelle. L’homme la comprend en étudiant ces effets car ils sont la donnée de la loi. Or il ne les connaît pas tous. Sa connaissance sur la loi de la nature reste donc imparfaite. Pourtant les phénomènes de la nature que l’homme connaît s’accroissent sans cesse. En fonction de cela, sa connaissance sur la loi naturelle doit être corrigée.

      Ainsi l’expérience, qui apporte une nouvelle connaissance sur les effets naturels, garantit qu’il est légitime d’affirmer une nouvelle théorie contraire à celle des devanciers. Il est important de dire que la théorie des devanciers n’est pas fausse car ils comprennent la loi naturelle par leur propre expérience. Mais leur connaissance est imparfaite en comparaison de la connaissance absolue de la nature.

      Pascal explique cette idée de la connaissance avec le topos courant, « des nains sur les épaules de géants ». Dans ce topos, pour parler du progrès scientifique des contemporains, l’auteur se sert de l’image optique. Et surtout, l’originalité de Pascal se trouvera dans la mention du renforcement de la vue des contemporains : grâce à l’invention du dispositif optique, bien qu’ils se trouvent devant la même réalité, les contemporains la voient mieux que les devanciers.

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  • Le revers de l’image héroïque du poète chez Baudelaire, Banville et Rimbaud
    Kazuki HAMANAGA
    2022 Volume 121 Pages 21-36
    Published: 2022
    Released on J-STAGE: August 31, 2022
    JOURNAL FREE ACCESS

    Ce que les poètes taisent à propos de fleurs

    Le revers de l’image héroïque du poète chez Baudelaire, Banville et Rimbaud

    Kazuki HAMANAGA

     

      Rimbaud a envoyé deux lettres à Banville. Dans la lettre du 24 mai 1870, il dit son admiration pour lui et parle de sa passion pour la poésie. Le ton change dans la lettre du 15 août 1871 : elle commence par la citation d’un long poème, intitulé Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs, et à la fin duquel figure une signature : « Alcide Bava ». Des commentateurs se sont disputés sur le message de ce poème : pour les uns, c’est une parodie de la poésie de Banville ; pour les autres, un pastiche amical. Mais cette problématique est trompeuse, car tous semblent à tort considérer Banville comme un poète naïf, qui chante la beauté des fleurs dans des vers savamment composés.

      Banville n’est pas un pur esthète. Dans À Théodore de Banville, Baudelaire assimile la destinée du poète à celle d’Hercule, impliqué dans une série de vengeances. Le revers de l’image héroïque du poète y est exposé : le sang qui s’écoule des pores du poète suggère la syphilis, le prix qu’il doit payer pour un plaisir éphémère. Aussi Banville fait-il un clin d’oeil à son ami dans À Charles Baudelaire, où la rose fait allusion à la roséole. Lorsqu’un poète se livre à la débauche, il oublie l’intérêt public qu’il devrait poursuivre en tant que héros, et laisse son âme rongée par l’égoïsme. Banville conseille à Baudelaire de ne pas s’opposer à la société en la dénonçant, sans pour autant récuser cette dénonciation. Il se tait sur la dégradation du poète-héros.

      Rimbaud est intraitable vis-à-vis de cette hypocrisie. S’interrogeant sur l’amour dans la première et la dernière section de son poème, il se refuse à un amour égoïste. Mais l’idée de l’amour altruiste que forme Rimbaud est trop fragile, et peut-être trop puérile, pour être exprimée sans détour. Il a ainsi substitué on à je, et les fleurs à l’amour, comme il s’est dissimulé sous le masque d’Alcide Bava.

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  • Tai GOMITA
    2022 Volume 121 Pages 37-51
    Published: 2022
    Released on J-STAGE: August 31, 2022
    JOURNAL FREE ACCESS

    Le «poëme» moderne dans «Malédiction de Cypris» de Théodore de Banville

    Tai GOMITA

     

      Dans la préface du Sang de la coupe, Théodore de Banville révèle son intention de trouver « une forme moderne du poëme proprement dit ». « Malédiction de Cypris », selon le poète, en constitue l’essai le plus important. Dans cet article, nous examinerons cette œuvre pour saisir les enjeux que représentent, chez Banville, le « poëme » ainsi que sa « forme moderne ».

      À l’époque, le terme « poëme » désignait de longs poèmes narratifs, presque synonyme d’épopée. « Malédiction de Cypris » est également un long poème de 606 vers qui traite de l’apparition de Cypris dans le Paris du XIXe siècle. Le poète y conçoit un espace-temps poétique original où se mêlent passé et présent, la Grèce d’autrefois et le Paris d’aujourd’hui.

      Sur le plan formel, « Malédiction de Cypris » est composée de sizains sur deux rimes, alors que le « poëme » traditionnel est le plus souvent écrit en alexandrins à rimes plates. La forme strophique est une caractéristique essentielle de la poésie lyrique, et ce choix, comme Banville l’écrira plus tard à propos du « poëme » dans son Petit Traité de poésie française (1872), témoigne qu’au XIXe siècle, la poésie lyrique s’immerge même dans le « poëme », tout en remplaçant les grands genres du siècle précédent, l’épopée et la tragédie.

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  • d’Alibert à Brillat-Savarin
    Miwa KATO
    2022 Volume 121 Pages 53-68
    Published: 2022
    Released on J-STAGE: August 31, 2022
    JOURNAL FREE ACCESS

    La citation de « physiologie » dans la Physiologie du goût

    d’Alibert à Brillat-Savarin

    Miwa KATO

     

      Physiologie du goût de Brillat-Savarin, est une œuvre toujours considérée comme fondatrice de la critique gastronomique. Bien qu’elle traite le goût sous aspects tant gastronomique que poétique, on peut s’intéresser au mot « physiologie » qui apparaît dans le titre. Car avant lui, il n’y a qu’un seul ouvrage portant le terme dans le même registre : Physiologie des passions. Ce livre de Jean-Louis Alibert paru également en 1825, est curieusement cité par le Gastronome. En effet, dans le discours médical de la première moitié du XIXe siècle, la physiologie était une discipline étroitement liée à la morale sociale. Dans sa discussion sur le goût, Brillat-Savarin, tentant d'articuler les réflexions philosophiques de cette science dans le discours sur les mets et sur la table, défend les plaisirs procurés sous le nom de la « physiologie ». Ce faisant, c’est la gastronomie qu’est proposée comme une nouvelle norme.

      Alors qu’Alibert soulignait les effets néfastes de l’alimentation, Brillat-Savarin l’affirme en prônant la jouissance maximale des plaisirs de la table. La gastronomie, science de la tempérance et de la moralité, est précisément ce qu'il faut pour profiter pleinement de cette jouissance. Ce n’est que lorsque la gastronomie définit les plaisirs des mets, libérés de la consommation excessive et de l’animalité, qu’elle se transforme en une composante nécessaire de l'activité sociale. En d'autres termes, sans une « belle » modération, le plaisir lui-même ne serait pas possible.

      Chez Brillat-Savarin, la « physiologie » permet non seulement de parler du plaisir physique, mais aussi d'affirmer avec élégance cette jouissance gustative, et de la lier à la moralité. Or, en remontant la source, nous voyons que ce n’est ni Brillat-Savarin, ni les écrits gastronomiques de ses contemporains, mais c’est Alibert en premier lieu qui lie la « physiologie » à la morale.

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  • étymologie motivante, projection, aspiration
    Wataru GOTO
    2022 Volume 121 Pages 69-84
    Published: 2022
    Released on J-STAGE: August 31, 2022
    JOURNAL FREE ACCESS

    Relation entre noms propres et cinéma chez Georges Perec

    étymologie motivante, projection, aspiration

    Wataru GOTO

     

      Les études précédentes menées sur l’onomastique dans l’œuvre de Georges Perec (1936-1982) ont montré que les noms propres des personnages de ses romans présentent des caractéristiques signifiantes : les noms désignent leur origine et leur destin. Perec nomme stratégiquement ses personnages au moins depuis le moment où il a assisté au séminaire de Roland Barthes en 1965.

      Ce jeu onomastique se retrouve dans ses propos sur l’actrice Cyd Charisse. Perec voit dans le vrai nom de l’actrice, Tula Ellice (Tulle à Hélice), l’anticipation d’une scène de Singin’ in the Rain. D’autre part, ce patronyme a la même sonorité que le nom de l’île où est localisée l’« autobiographie probable » de l’écrivain : Récits d’Ellis Island. En considérant cette ressemblance sonore et la tendance de Perec à se projeter dans les personnes qu’il aime, nous pouvons penser qu’il s’est identifié à cette actrice qu’il admire avec adoration.

      Nous analysons ensuite l’influence considérable et précoce d’Orson Welles dans l’onomastique perecquienne. Tout d’abord, à travers le personnage de Gaspard Winckler, double de l’écrivain : nous révélons la relation de ce patronyme avec celui d’un personnage du Troisième homme, le Dr. Winkel et nous analysons les points communs entre Gaspard Winckler et Harry Lime joué par Welles, dans le même film. En outre, un autre double de Perec, Percival Bartlebooth, possède certaines caractéristiques d’un personnage joué par Orson Welles : Kane de Citizen Kane.

      C’est ainsi que Perec crée des doubles où il projette à la fois son identité et l’adoration qu’il éprouve pour certaines actrices et certains acteurs, en un jeu complexe de miroirs.

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  • roman, autobiographie et biographie chez Maryse Condé
    Kei MORIWAKI
    2022 Volume 121 Pages 85-101
    Published: 2022
    Released on J-STAGE: August 31, 2022
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    La Vie scélérate à travers La Vie sans fards

    roman, autobiographie et biographie chez Maryse Condé

    Kei MORIWAKI

     

      Cet article propose de relire La Vie scélérate à partir de La Vie sans fards pour repenser la relation entre les romans et les œuvres (auto)biographiques chez Maryse Condé.

      La Vie scélérate est un roman paru en 1987, dans lequel Condé raconte l’histoire d’une famille bourgeoise noire de Guadeloupe à travers quatre générations, et La Vie sans fards est la deuxième œuvre autobiographique, parue en 2012, dans laquelle l’auteure raconte sa démarche en Afrique dans les années 60. Malgré le décalage des dates de parution et des sujets, l’écrivaine suggère dès les titres une relation profonde entre les deux œuvres : la conformité de l’expression « La Vie », la consonance en « s » et l’assonance en « a » les reliant phonétiquement.

      En outre, nous pouvons remarquer une concordance des arbres généalogiques des familles dans les deux œuvres. À cet égard, sont particulièrement significatives la présence de Claude dite Coco, fille de quatrième génération de la famille et narratrice de La Vie scélérate, et celle de Denis, le premier fils de Condé. En effet, les circonstances de leur naissance (l’écrivaine confie pour la première fois, dans La Vie sans fards, la « vérité » que Denis est bâtard) et de leur enfance sont semblables. En outre, leurs descriptions, dans les deux livres, présentent des analogies textuelles. Si nous relisons La Vie scélérate par cet intermédiaire, Claude apparaît ainsi comme le double de Denis.

      Or Condé a déclaré avoir une relation complexe avec son fils aîné : pendant longtemps, elle n’a pas pu accepter d’être mère célibataire et a dissimulé la naissance de Denis ; plus tard, elle n’a pas pu accepter qu’il soit homosexuel (le choix du nom épicène « Claude » reflèterait ce fait) ni qu’il ait voulu devenir écrivain. À l’époque où Condé a écrit La Vie scélérate, Denis souffrait de ce rejet de son identité et avait quitté sa mère.

      Cette relecture nous permet de présenter de nouvelles interprétations de La Vie scélérate : à travers le personnage de Claude, Condé raconte l’histoire fantasmée de Denis, auquel elle dédie ce roman en tant que mère écrivaine. Elle a ainsi voulu légitimer son fils par sa propre création, en espérant qu’il bâtirait sa propre identité comme Claude, qui le fait et décide d’écrire un roman éponyme à la fin de l’intrigue.

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  • Hideki SHIBATA
    2022 Volume 121 Pages 103-117
    Published: 2022
    Released on J-STAGE: August 31, 2022
    JOURNAL FREE ACCESS

    La théorie de la traduction chez Michel Foucault

    Hideki SHIBATA

     

      En 1964, Pierre Klossowski a publié L’Énée, traduction monumentale de l’épopée virgilienne. Cette traduction presque littérale a suscité une vive controverse dans le champ littéraire de l’époque. Michel Foucault a d’emblée répondu à Klossowski en lui dédiant la critique intitulée « Les Mots qui saignent ».

      Ce texte sur le sujet de la traduction mérite notre attention, car il est extrêmement rare que Foucault aborde cette question dans l’ensemble de ses écrits. Ce court texte peu connu soulève des questions ; quelle traduction est-elle idéale pour lui ? : quelle relation y a-t-il entre ce sujet de traduction et ses autres études ?

      Afin de répondre à ces questions, il est intéressant de remarquer qu’il y a un autre texte de Foucault, « La Prose d’Actéon », qui porte sur les œuvres de Klossowski. L’auteur y aborde le sujet de la littérature que nous retrouvons également dans ses autres écrits. C’est pour cela que notre étude compare les deux textes.

      Nous pouvons résumer que chez Foucault le sujet de la traduction contient trois aspects : la « violence », le « simulacre » et la « transgression ». D’abord la violence, parce que l’ordonnance du texte traduit est éclatée par rapport à celle du texte original. Puis le simulacre, parce que le mot traduit reste le simulacre du mot original et de la même manière le texte traduit est le simulacre de l’œuvre originale. Et finalement la transgression, parce que le texte traduit veut s’identifier avec le texte original dans son impossibilité.

      En conclusion, nous supposons que ce que Foucault défend dans « Les Mots qui saignent » est l’unité de ces trois aspects et qu’elle démontre la spécificité de sa théorie de la traduction.

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  • Sur la description des maladies infectieuses aux premiers stades de la pandémie
    Mana NAITO
    2022 Volume 121 Pages 119-137
    Published: 2022
    Released on J-STAGE: August 31, 2022
    JOURNAL FREE ACCESS

    Représentations de la maladie comme aspects de la peur

    Sur la description des maladies infectieuses aux premiers stades de la pandémie

    Mana NAITO

     

      La peur, plus contagieuse que la peste selon Gogol, accompagne la propagation des maladies mortelles, face à laquelle les êtres humains plongent dans une profonde torpeur. Ainsi apparaît inévitablement et indissociablement ce trio de maladie, mort et peur, comme l’incarne le personnage de Poe portant le masque d’un mort qui répand une terreur innommable. En recourant à cette émotion primitive, le présent article propose une analyse de la description littéraire des maladies infectieuses comme la peste, la variole, le choléra et le sida.

      Premièrement, nous examinons le terme de maladies. Nommer signifie encadrer l’objet et déterminer ses spécificités, ce qui permet d’identifier la menace imminente et ainsi d'entreprendre la recherche de la survie. Notre examen consiste à classer les noms de différentes maladies en quatre catégories : « dénomination dérivée de lieu d’épidémie », « dénomination dérivée de symptômes externes », « dénomination pathologique » et « dénomination basée sur les idées classiques ». Et ensuite à montrer que la peur chez des individus prend la forme de « l'exclusion des personnes infectées » et de « la crainte de l’effondrement de l'ordre mondial ».

      Deuxièmement, en s’appuyant sur ces deux aspects de la peur identifiés, notre recherche envisage des représentations de maladies dans les œuvres littéraires, notamment dans Journal de l’année de la peste de Daniel Defoe, La Mort à Venise de Thomas Mann, La Peste d’Albert Camus, Le Hussard sur le toit de Jean Giono, La Gloire du paria de Dominique Fernandez et La Quarantaine de Le Clézio. Ce travail montrera, d’une part, que ces représentations de maladies suivent celles qui se retrouvent dans les visions du monde issues de la Grèce antique et du christianisme traditionnel ; d’autre part, que ces figures traditionnelles sont développées par chaque auteur, de sorte à tisser des liens étroits avec le thème qui est au cœur de sa propre création.

      Écrire sur la maladie revient à représenter la menace en tant qu'image littéraire. Nos recherches ont pour but de réfléchir à cet acte consistant à tenter de surmonter l’épreuve imposée sur les humains. Dans ce cadre même, la présente étude propose de mettre en lumière l’importance des différents aspects de la peur dans le processus de la représentation des maladies.

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