On parle, dans la grammaire traditionnelle, de valeurs dites "générales" par rapport à plusieurs types différents de constructions nominales. Dans cet article, nous avons voulu dégager, parmi les expressions nominales, quelques distinctions grammaticales utiles à l'étude de l'expression du général, en considérant les généralités réalisées par les types différents comme celles de statuts différents.
Nous distinguons d'abord au chapitre 1 le nom sans déterminant de celui qui est précédé par un déterminant (∅N / DN), avec l'introduction, à ce niveau d'opposition constructive, de la notion d' "actualisation" pour signifier, non pas une fonction référentielle, mais celle qui constitue un "objet de discours", présupposé d'existence (DUCROT) : un N non-actualisé (ex : un bruit de
rames) exprime toujours une généralité absolue et virtuelle, celui qui est actualisé (ex :
Le chien est carnivore) peut, à son tour, exprimer une généralité, cette fois, limitée et actuelle, si nous nous permettons de l'exprimer ainsi.
A partir de l'examen de la notion de "détermination", nous avons au chapitre 2 deux sortes de distinctions. La première est une opposition représentée comme suit : déictique (à proprement parler) +N (CE+N) / article+N (LE(UN)+N), en ce sens que celui-ci peut exprimer le général, tandis que celui-là ne le peut pas, en principe. La seconde est une distinction représentée par l'opposition : LE+N / UN+N. Nous pensons en effet que les deux généralités obtenues par les deux séries diffèrent par degré de concrétisation et / ou abstraction d'une idée en question : à comparer : "Il est plus aisé de connaître
l'homme en général que de connaître
un homme en particulier".
Nous nous occupons au dernier chapitre du problème de la catégorie du "nombre", afin d'observer en particulier la différence de généralités exprimées par LE+N / LES+N. Nous posons pour cela une hypothèse inspirée par le modèle guillaumien, selon laquelle le nombre peut être mis en opposition au niveau des "unités lexicales" (terme pris au sens plus large que d'ordinaire) : un mot mis au singulier et celui qui est mis au pluriel pouvant, à notre avis, être considérés comme deux lexiques différents. Autrement dit, les deux généralités, se situant au même degré—à un haut degré d'abstraction—, diffèrent par nature de saisie notionnelle : LES+N désigne toujours une catégorie d'"objet", LE+N pouvant, par contre, désigner une catégorie de non-objet, de "qualité" : à comparer : "C'est vraiment pénible de constater que
les femmes sont les dernières à savoir ce qu'est
la femme".
Nous pensons enfin avoir montré que les deux distinctions—formelle et sémantique—ne sont jamais en contradiction, même dans l'expression du général. Il arrive seulement qu'au niveau des articles, en particulier, la distinction formelle laisse une grande latitude à la fixation exacte d'un sens, d'où viennent justement les difficultés de l'étude sur l'expression du général.
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